Aller au contenu

Rencontre avec Margot Bayard, vice présidente de MG France

Quelles relations entre le pharmacien et le médecin généraliste ?
Alternativ Pharma XV interroge la relation pharmacien, médecin généraliste, pour une amélioration des pratiques et de la prise en charge des patients

QUEL EST VOTRE PARCOURS ?
Je suis médecin généraliste, installée en milieu rural depuis plus de 30 ans. Nous étions au départ deux médecins généralistes, une associée est venue nous rejoindre en 2004. Avide de travailler avec d’autres professionnels de santé, j’ai initié en 2013 la première coopération en région occitanie avec une infirmière Asalée (infirmière déléguée à la santé publique et à l’éducation thérapeutique). J’ai ensuite participé au déploiement du protocole de coopération Asalée dans toute la région. Cette coopération a été pour moi le point de départ pour élargir le champ du travail en équipe avec la création d’une maison de santé pluri professionnelle en 2018 (celle-ci compte plus de 18 professionnels, dont 4 médecins). Dans les suites de la MSP, j’ai décidé compte-tenu de la situation démographique de mon territoire de créer une CPTS, communauté professionnelle territoriale de santé, qui a été validée en 2021.

QUELLE VISION AVEZ-VOUS DU MÉDECIN GÉNÉRALISTE ?
C’est un travail d’écoute, d’évaluation du risque diagnostic, d’orientation, de suivi et de coordination. En tant que médecin généraliste traitant, je suis responsable du parcours du patient. Mon exercice professionnel s’inscrit dans la durée et dans la proximité. Depuis ces dernières années, avec le vieillissement de la population et l’explosion de maladies chroniques, mon rôle de coordination avec les autres professionnels de santé s’est trouvé amplifié. J’ai besoin de connaître les divers intervenants et d’être informée de toutes les interventions autour du patient afin d’assurer la sécurité de sa prise en charge. J’assume également le rôle de leader au sein de la maison de santé.

QUE PENSEZ-VOUS DU RÔLE DU PHARMACIEN ?
Pour moi, le pharmacien est en train de reprendre une place de professionnel de santé après avoir été assimilé à un vendeur de médicaments. Souvent le premier à entrer en contact avec le patient, il a un rôle important dans le conseil et l’orientation du patient. Il doit évaluer la plainte du patient et faire la part des choses pour orienter à bon escient le patient. Son rôle d’éducation est essentiel. Il doit s’assurer de la bonne compréhension du patient pour la prise de son traitement, ou l’utilisation de son dispositif. Il joue un rôle majeur au niveau de l’observance des traitements. Le pharmacien réalise de plus en plus de Trods, élargit son champs dans la vaccination. C’est un phénomène nouveau qui a sa place, mais prendra toute sa pertinence si la coopération avec le médecin généraliste traitant est étroite, j’entend par là que le médecin traitant doit être informé, car cela a du sens dans le suivi du patient.

POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS SUR LES TERMES : MAISON DE SANTÉ, CPTS… ?
Une maison de santé pluri professionnelle est une organisation entre professionnels de santé qui décident de travailler en équipe et élaborent un projet de santé pour améliorer la prise en charge des patients. Ils participent à des réunions de concertation à plusieurs professionnels de santé, notamment lorsque les patients ont des pathologies et/ou des situations complexes. Pour créer une maison de santé, il faut au moins deux médécins généralistes et un autre professionnel de santé. On peut être en maison de santé sans travailler dans le même local. On doit partager le même logiciel et être en SISA. Il y a aussi les ESP, équipes de soins primaires, qui sont des organisations plus souples (pas de logiciel commun , pas de SISA) qui peuvent être créées avec un seul médecin généraliste et un autre professionnel de santé. Pour les CPTS, il s’agit d’organisations entre les professionnels de santé d’un territoire pour répondre aux enjeux et aux besoins de santé d’une population. Ces professionnels élaborent un projet de santé qui doit répondre à des missions précises :

  • trouver un médecin traitant pour les patients du territoire ;
  • organiser la réponse à la demande de soins non programmée ;
  • améliorer le lien ville hôpital. Fluidifier l’accès au second recours ;
  • assurer des missions de prévention en lien avec le diagnostic territorial.

    COMMENT VOYEZ-VOUS UN PARTENARIAT IDÉAL ENTRE PHARMACIEN ET MÉDECIN ?
    Les conditions d’un partenariat parfait consistent d’abord à se connaître, à comprendre les contraintes des uns et des autres, et à respecter les champs de compétences de chacun. Il s’agit de développer des complémentarités et non des compétitions. Pour cela, il est absolument nécessaire de dialoguer, de communiquer étroitement, régulièrement – mettre à plat rapidement les différends qui peuvent émerger – développer des stratégies de communication, des protocoles validés de part et d’autre. Nous serons tous gagnants, et surtout les patients. Le partenariat parfait est celui où chacun trouve son compte et où le patient est pris en charge de façon sécure.

    COMMENT POURRIONS-NOUS SELON VOUS AMÉLIORER CETTE RELATION PHARMACIEN- MÉDECIN ?

    Dans le cadre des CPTS, il est possible de créer des groupes de travail où nous pouvons nous rencontrer, échanger sur nos problèmes respectifs et élaborer des protocoles selon nos besoins de professionnels au service des patients. La formation est aussi un outil puissant, se former ensemble, faire de groupes d’analyse des pratiques pluri professionnels, inclure davantage les patients dans la construction des protocoles, des parcours, etc…

    EN CONCLUSION, QUEL AVENIR VOYEZ-VOUS À LA SANTÉ EN GÉNÉRAL?
    Il me semble absolument indispensable de poursuivre et renforcer cette évolution vers l’exercice coordonné entre professionnels de santé avec une reconnaissance de toute forme d’organisation de façon à limiter les contraintes pour les professionnels de santé. Il me semble que les acteurs des soins de premier recours (médécin généraliste, pharmacien, IDEL mk, etc) doivent se fédérer pour faire reconnaître leur plus-value en termes de sécurité et d’efficience pour les patients. La crise Covid l’a bien démontré. D’un point de vue plus général, je souhaite que les champs de la prévention et de l’éducation à la santé deviennent des enjeux prioritaires et fassent l’objet d’un projet politique appréhendé de façon systémique avec un réel investissement sur le long terme.

Propos de Margot Bayard, vice-présidente MG France.